Carnets de voyage

Au pays du peuple arc-en-ciel

Une plage de Cape town au début de l'hiver, habitée par les pingouins pour la reproduction.

Photos : Victorien Thiaux

2 juillet 2009

Victorien Thiaux, étudiant au Département de génie mécanique

Étudiant à la Faculté de génie, Victorien Thiaux a effectué récemment un stage qui l'a conduit à Pretoria, capitale administrative de l'Afrique du Sud. Comme il nous le raconte, en plus de réaliser un rêve, il a pu vivre au cœur de la mosaïque culturelle que constitue ce pays fascinant, en plus de découvrir les facettes du monde du travail et de la société de ce pays en constante évolution depuis la fin de l'apartheid. Il a surtout pu donner un sens nouveau à ses études d'ingénieur.

N'avez-vous jamais eu envie de visiter l'Afrique? Personnellement, j'entretenais ce rêve depuis quelques années, et je peux dorénavant mettre des images sur les sentiments que me procure l'évocation de ce mot : les mythes et légendes, un mode de vie et un retour aux origines de l'homme.

Avec le régime d'études coopératif proposé par l'Université de Sherbrooke, j'ai pu effectuer mon stage en Afrique et ainsi côtoyer la Rainbow Nation. Ce terme de peuple arc-en-ciel convient parfaitement aux Sud-Africains. Depuis le début de l'année, je vis et travaille à Pretoria, l'une des capitales, car si Pretoria est considérée comme la capitale administrative, Le Cap constitue la capitale législative et Bloemfontein est la capitale judiciaire. C'est sans compter la métropole du pays, Johannesburg.

Je compare souvent l'Afrique du Sud à une mosaïque. Chaque élément pris individuellement a sa forme propre et est unique, mais pris isolément, on ne peut pas comprendre sa symbolique. Chaque personne ici fait partie de cette mosaïque avec sa propre identité et sa couleur, et c'est en mélangeant tous ces éléments qu'on voit l'ensemble de la fresque.

Cette mosaïque est composée d'un amalgame de 11 langues officielles, de 9 provinces toutes plus différentes les unes que les autres, d'une mixité ethnique incroyable et qui est pourtant d'une unicité époustouflante. Bien sûr, l'histoire de cette union reste très jeune. Avec la fin de l'apartheid en 1994, il reste encore des stigmates de ces événements et de la pauvreté, mais les mentalités semblent avoir changé, pour le bonheur du plus grand nombre.

À l'usine

Le plus bel endroit à la frontière du royaume du Lesotho.

Travailler dans une moyenne entreprise fabriquant des systèmes de chauffage d'eau par l'énergie solaire, c'est participer au développement des énergies renouvelables, qui me tiennent particulièrement à cœur. C'est entendre parler en sotho, zulu, afrikaans et enfin, lorsque les gens voient mon visage marqué par l'incompréhension, en anglais.

Pour un Européen ou un Nord-Américain, l'arrivée dans l'usine a révélé les premiers changements majeurs. Oublions les nouvelles machines à la fine pointe de la technologie, l'automatisation de l'usine, les spécialistes dans des domaines complexes, les dessinateurs sur CAO (conception assistée par ordinateur). Il faut aussi savoir reconsidérer ce qui nous apparaît comme des acquis fondamentaux : il m'est arrivé de devoir convertir en centimètres des cotations d'abord préparées en millimètres…

Barbecue au bidonville

Barbecue dans un bidonville de Mamelodi, à Pretoria.

L'expérience la plus marquante restera incontestablement la visite des bidonvilles de Mamelodi à Pretoria avec les ouvriers de l'entreprise où je travaillais. Ce barbecue au milieu des maisons en tôles m'a révélé la convivialité de gens et la quantité d'enfants vivant dans les environs, venus voir les nouveaux voisins temporaires, mais aussi attirés par l'odeur de la nourriture. On y discute en toute simplicité et dans toutes les langues!

Bien sûr, ici, il n'existe pas de fête sans la musique, qui devient un lien de communication, mais qui apparaît aussi comme un mode de vie. Et finalement si tous les sujets de conversation sont épuisés, ce qui est quasiment impossible, on peut encore parler de soccer et des matchs entre les Orlando Pirates et les Kaisers Chiefs. Il n'est pas nécessaire de connaître à fond le sujet; le seul fait d'aborder ces deux noms fait ressurgir l'engouement de chacun et entraîne de grands débats.

Paysages hors du temps

Ma meilleure randonnée, la chaîne de montagnes du Dragon : le Drakensberg, à la frontière du Lesotho.

Hors des villes, le pays recèle une nature extraordinaire. Mon voyage le plus fascinant fut certainement une randonnée dans la chaîne de montagnes du Dragon : le Drakensberg, aux frontières du Kwazulu-Natal et du Lesotho. Au pied du massif montagneux, on y découvre une kyrielle de lacs dans un paysage verdoyant avec en arrière-plan des massifs granitiques escarpés qui ont donné le nom à ces montagnes. L'envie d'escalader ces montagnes a été la plus forte et finalement, en arrivant au sommet de ces lieux majestueux, on y découvre un paysage hors du temps où l'homme n'a pas imposé sa marque. J'ai pu y rencontrer quelques bergers du Lesotho et admirer la cascade de Tugela, la deuxième plus haute chute d'eau au monde.

On retrouve des guépards dans les réserves d'Afrique du Sud.

Dans ces lieux, on perçoit très bien le respect de la nature et la volonté ardente de la préserver. Conformément à mon éthique, je mets à profit mes connaissances pour favoriser l'utilisation d'énergies et de matières renouvelables dans les procédés d'ingénierie que j'effectue. Cette volonté, je l'ai acquise au sein de l'équipe de projet universitaire Phoebus, avec laquelle je participe à la conception et à la réalisation d'une voiture électrique.

Cette tranche de vie en Afrique du Sud restera une expérience inoubliable, car j'ai pu donner un sens à mon travail en fabriquant des objets de la vie quotidienne pour un ouvrier au regard émerveillé. J'ai éprouvé de la fierté en mettant au service d'autrui les connaissances que j'acquiers à l'Université. Mais n'est-ce pas là, après tout, la vocation d'un ingénieur?